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Visite au Maroc dans le cadre de la planification familiale

By: Lauren Herzog

December 2, 2014

Un groupe de leaders religieux sénégalais, accompagné par un représentant du Ministère de la Santé et de l’Action Sociale au Sénégal, a visité le Maroc du 16 au 21 novembre, 2014. L’objectif de la visite était un échange d’information sur la santé de la famille et les programmes de planification familiale, et surtout l’engagement des leaders religieux dans l’élaboration et la réalisation de ces programmes. Les membres de la délégation sénégalaise font partie d’un Groupe de travail qui est engagé à soutenir le programme national de planification familiale au sein des communautés religieuses.

Les réunions et discussions avec les acteurs clés au Maroc qui travaillent sur la planification familiale ont permis aux membres de mieux comprendre le rôle des leaders religieux dans les efforts de planification familiale au Maroc, et surtout dans l’acceptation de la planification familiale dans la société marocaine. Souvent, les conversations sont revenues à quatre thèmes : les droits de la femme, l’éducation des jeunes, la position de l’islam sur la planification familiale et l’importance des efforts interreligieux.

Avant cette visite, la plupart des membres du Groupe de travail a été en faveur de la planification familiale. Pour ces membres, les réunions au Maroc ont renforcé l’opinion que la planification familiale est permise dans leurs religions et qu’elle a des bénéfices importants pour leurs communautés. Cependant, quelques membres ne croyaient pas que l’islam permet la planification familiale; les réunions ont réussi à les convaincre que l’islam accepte la planification familiale. L’un des membres du Groupe de travail a remarqué que le Maroc et le Senegal subissent beaucoup de changements sociaux. Selon ce membre, le pays lui semble plus développé et productif en vue de la réduction de la pauvreté et des naissances. Il lui semble que ces changements proviennent du programme de planification familiale au Maroc.

Le Groupe de travail a eu quelques recommandations pendant les conversations et évaluations au Maroc Les membres croient qu’il est important de continuer leur travail discrètement en vue de la sensibilité de la planification familiale au Sénégal. En plus, tous les membres disent qu’il pourrait être bénéfique d’élargir ce projet pour qu’il inclue le bien-être familial ou la santé reproductive. Les membres du Groupe de travail sont tous d’accord que les matériels reçus au Maroc sont suffisants pour convaincre les musulmans sénégalais que la planification familiale est permise en islam et qu’elle peut avoir de nombreux bénéfices pour leurs communautés. Tous les membres se sont inspirés de l’expérience marocaine, surtout en matière de renforcement de capacités et d’engagement de communautés. Ils utiliseront les leçons apprises au Maroc dans leurs efforts au Sénégal.

Organisation de la visite

La visite a été organisée par le World Faiths Development Dialogue (WFDD), une association américaine indépendante basée à Georgetown University à Washington qui s’intéresse à l’interconnection qui existe entre religion et développement. Le WFDD fait partie d’un programme visant à engager les leaders religieux sénégalais dans les efforts à améliorer la santé maternelle et infantile dans leurs communautés locales, avec l’appui financier de la Fondation Hewlett. Un Groupe de travail a été créé en septembre 2014, composé de leaders religieux sénégalais et un représentant du Ministère de la Santé et de l’Action Sociale. Cheikh Saliou Mbacké est responsable de l’organisation du groupe et de toutes les activités. Les membres du Groupe de travail sont totalement engagés à promouvoir des discussions sur la planification familiale au sein des communautés religieuses au Sénégal. Un objectif principal du Groupe de travail est d’explorer la collaboration entre le gouvernement, la société civile et les acteurs religieux dans les efforts de planification familiale dans les pays à majorité musulmane.

Participants

Cheikh Saliou Mbacké, Consultant du WFDD ; coordonnateur du Groupe de travail ; représentant de la communauté Mouride
Dr. Chimère Diaw, Chef de la Division de la Planification Familiale, Ministère de la Santé et de l’Action Sociale
Imam Oumar Diene, Secrétaire Général de l’Association des Imams et Oulémas du Sénégal ; Porte-parole du Groupe de travail
Imam Cheikh Djibril Diop, Représentant de la communauté Layène
Pasteur Adama Faye, Représentant de l’Eglise Luthérienne au Sénégal
Serigne Elhadji Ibrahima Niass, Représentant de la communauté Niassène
Imam Ousmane Samb, Coordonnateur du Réseau Islam et Population
Sokhna Arame Seck, Représentante du Haut Conseil Islamique du Sénégal
Cherif Mohamed El Moctar Sy, Représentant de la famille Omarienne
Lauren Herzog, Coordinatrice de programmes, WFDD
Katherine Zuk, Assistante de programmes, WFDD

Réunions

Rabita Mohammadia des Oulémas
Mohamed Belekbir, Président du Centre d’Études et de Recherches en matière des Valeurs 
Aicha Haddou, Coordinatrice Générale du colloque sur les femmes et les religions monothéistes

La Rabita Mohammadia des Oulémas est active dans la promotion de la planification familiale depuis six ans; elle travaille pour engager les communautés et leaders religieux dans ces efforts. La Rabita a effectué des études récentes sur les besoins des leaders religieux afin de promouvoir la planification familiale. La Rabita, conjointement avec l’UNFPA et l’ONUSIDA, a publié des documents sur la position de l’islam et sur d’autres problématiques mondiales  telles que le VIH/SIDA, la planification familiale, les violences basées sur le genre et les droits de la femme.

Aicha Haddou a fait un exposé sur une conférence récente qui a été organisée par la Rabita sur les droits des femmes dans les religions monothéistes. Elle a dit que certaines personnes ont interprété l’islam en défaveur des femmes. Ce sont ces interprétations erronées qui font que l’islam est critiqué en Occident et dans d’autres contrées.  La conférence a rassemblé des femmes des religions monothéistes pour discuter des droits de la femme. En plus de leurs religions, les femmes ont aussi examiné les rôles de la culture et de la tradition dans le traitement de femmes.

On a aussi dit qu’une éducation religieuse devrait incorporer la réflexion à côté de la mémorisation. L’interprétation du texte est essentielle pour le traitement des populations vulnérables, telles que les femmes et les minorités religieuses dans le monde musulman. Un thème central qui s’est révélé est que la religion promeut le bien-être de toute personne et la préservation de la vie : « La préservation du corps avant la préservation de la religion. »  


UNFPA Maroc

Manal Benkirane, Chargée de programme, Santé de la Reproduction
Abdel-ilah Yaakboud, Représentant Assistant et Coordonnateur de Programmes

Lors de la réunion, l’UNFPA au Maroc affirme que l’acceptation de la planification familiale est un débat dépassé au Maroc ; il y a longtemps que les communautés religieuses ont accepté et commencé à encourager la planification familiale. Ayant surmonté cet obstacle, le plus grand défi de l’UNFPA Maroc est maintenant de promouvoir les méthodes contraceptives à longue durée par rapport aux méthodes à courte durée.

L’UNFPA travaille pour intégrer les jeunes dans le programme de planification familiale puisqu’ils représentent une frange de la population trop souvent oubliée. Même si le programme national de planification familiale ne fournit des services qu’aux couples mariés, le Maroc a connu des changements sociaux, tel que le retard de l’âge du mariage. Ces changements indiquent l’importance de cibler les jeunes. L’UNFPA estime qu’il existe actuellement 14 ans entre les âges en moyen quand les Marocains deviennent sexuellement actifs et se marient.

Bien que les réalités sociales au Sénégal diffèrent de celles du Maroc, les membres du Groupe de travail ont dit qu’ils ont les mêmes difficultés en intégrant les jeunes dans les efforts de planification familiale. Les leaders religieux, en particulier, se trouvent face à un grand dilemme en répondant aux besoins de leurs communautés sans compromettre leurs croyances. En plus, ils disent que le mot « sexe » est trop choquant dans la société sénégalaise. Ils proposent qu’il faut recadrer ce sujet au Sénégal ; l’utilisation d’un langage qui est différent de la terminologie médicale pourrait aider à atteindre plus de Sénégalais.

Ministère de la Santé, Direction de la Planification Familiale

Dr. Karima Gholbzouri, Directeur de la Division de la Planification Familiale
Dr. Khalid Lahlou, Directeur de la Direction de la Population
Dr. Hafida Yartaoui, Chef de Service de la Programmation et des Activités de Planification Familiale

La Direction de la Population au Maroc présente la planification familiale comme un investissement à long terme pour l’amélioration de la qualité de vie, la lutte contre la pauvreté et la protection de la santé maternelle et infantile. Etant donné les réussites du programme national, on se focalise maintenant plus sur la protection des femmes et des enfants que sur les préoccupations de la population. L’objectif du programme n’est pas d’exiger que tout le monde utilise des méthodes contraceptives, mais de sensibiliser les Marocains sur la santé reproductive afin de leur permettre de prendre les bonnes décisions pour eux-mêmes.  

Suite au lancement du programme en 1965, les oulémas au Maroc ont vite compris les bénéfices de la planification familiale, et ils utilisent maintenant le même langage que le Ministère de la Santé en parlant de cet enjeu. Le programme national ne fournit des services qu’aux couples mariés, mais les techniciens de santé peuvent sensibiliser les jeunes sur la santé reproductive. Les membres du Groupe de travail ont été engagés pendant toute la présentation et ont demandé des informations supplémentaires sur le rôle des leaders religieux dans le programme de planification familiale.

Evaluation du Groupe de travail

Le Groupe de travail a évalué les activités qu’il avait réalisées avant de se rendre au Maroc. On a souvent soulevé deux thèmes : le rôle de l’islam dans le bien-être familial et les prochaines activités du groupe. L’un des membres du groupe a souligné l’importance des communautés et leaders religieux dans les efforts de planification familiale. Il a déclaré que les leaders religieux représentent la société ; ils connaissent bien leurs communautés et ils sont les premiers à connaitre leurs problèmes. En tant que leaders religieux, soit musulmans soit chrétiens, ils ont des obligations à garantir le bien-être de leurs communautés.

Les leaders religieux musulmans sont d’accord que l’islam est une religion qui recherche des solutions, surtout dans le cadre du bien-être familial. L’un des membres du groupe a dit que, « Nous avons accepté de souffrir mais nous n’acceptons pas que les enfants souffrent ; il faut les protéger. » Le but de la planification familiale n’est pas la limitation de naissances, mais plutôt l’organisation de la famille, la promotion des droits de la femme et la réduction de la pauvreté. Même aujourd’hui, beaucoup de Sénégalais ne sont pas certains si l’islam accepte la planification familiale. Comme membres du Groupe de travail, ils sont sensibilisés et sont prêts à aborder ce sujet au sein de leurs communautés. Quoique plusieurs acteurs aient déjà travaillé à l’intersection de la planification familiale et de la religion au Sénégal avec peu de succès, ils sont optimistes que leurs pays pourraient devenir un modèle pour d’autres pays.

Malgré l’optimisme et l’engagement des membres, ils ont quelques préoccupations en ce qui concerne leur travail. Ils ont remarqué qu’il est difficile de travailler sur un sujet qui est aussi sensible que la planification familiale ; le terme inspire la crainte chez beaucoup de Sénégalais. Pour eux, il serait préférable d’élargir le langage qu’on utilise en discutant de ce sujet. L’utilisation du terme « planification familiale » risque de négliger d’autres enjeux dans les domaines de la santé reproductive et le bien-être familial.

Oulémas à la Rabita Mohammadia des Oulémas

Un ouléma a parlé avec le groupe en ce qui concerne la position de l’islam sur le mariage et la reproduction. Il a discuté de l’importance du mariage, ainsi que les dangers des mariages précoces et les relations sexuelles illégitimes (dehors du mariage). Il a dit qu’il faut éduquer les jeunes sur la santé sexuelle et reproductive ; selon lui, il est la responsabilité des parents de nouer un dialogue avec leurs enfants sur ce sujet. Les membres du Groupe de travail ont eu une conversation avec lui sur l’interprétation du Coran et les rôles des femmes dans la société.


L’Association Marocaine de Planification Familiale (AMPF)
Fadoua Bakhadda, Directrice Exécutive 
Lhou Lioussfi, Directeur de Programmes

L’Association Marocaine de Planification Familiale joue un rôle central dans la promotion de la planification familiale au Maroc depuis des décennies. Lorsqu’on a fondé l’association, la santé reproductive et la planification familiale étaient des sujets tabous au Maroc ; maintenant on les y accepte. L’approche de l’association est d’intégrer la santé, la science et la religion—les partenariats entre les docteurs et les leaders religieux sont essentiels. Avant l’année 2020, l’AMPF vise à tripler ses services de santé sexuelle et faire reconnaitre la sant
é sexuelle et reproductive comme droits humains.

Bien que plusieurs associations au Maroc se focalisent uniquement sur la planification familiale pour les couples mariés, l’AMPF a parlé de l’écart qui existe en matière de services pour les jeunes. Cet écart provient de l’exclusion des jeunes des stratégies de planification familiale en vue du tabou qui existe sur l’éducation de jeunes sur le sexe et la santé sexuelle. Le Groupe de travail a été très engagé dans cette conversation sur la création de dialogues avec les jeunes. Les membres du Groupe de travail ont remarqué que la croissance démographique est un enjeu majeur qu’il faut aborder au Sénégal ; il faut aussi développer l’éducation sur la santé sexuelle et reproductive.

Evaluation de la visite d’échange

Les membres du Groupe de travail sont d’accord que la visite est réussie; ils ont été particulièrement satisfaits avec le contenu des réunions et des matériels qu’ils ont reçus. Malgré le fait qu’ils avaient travaillé ensemble plusieurs fois au Sénégal, cette visite représente la première fois qu’ils ont eu l’occasion de passer du temps ensemble, de créer des liens dans le groupe et de mieux comprendre les motivations des autres. En vue de cette visite, ils disent que la dynamique du groupe a changé et qu’il existe maintenant des relations de confiance au sein du groupe.

L’un des membres du groupe a remarqué que même si le WFDD est le dernier à arriver sur la scène, il a fait bouger les efforts de planification familiale au Sénégal. Suite à la visite au Maroc organisée par le WFDD, les membres du Groupe de travail se sentent obligés et préparés à continuer leur travail au Sénégal. Ils disent qu’il faut agir au niveau communautaire ; l’élaboration d’argumentaires adaptés aux réalités du Sénégal aidera dans ce travail. Selon eux, cette visite ne représente que la première étape de ce travail ; il reste un long chemin à parcourir, mais ils sont encouragés par la visite au Maroc.